Novembre 2024
入彭蠡湖口
谢灵云 385-433
客游倦水宿,
风潮难具论。
洲岛骤回合,
圻岸屡崩奔。
乘月听哀狖,
浥露馥芳荪。
春晚绿野秀,
岩高白云屯。
千念集日夜,
万感盈朝昏。
攀崖照石镜,
牵叶入松门。
三江事多往,
九派理空存。
灵物郄珍怪,
异人秘精魂。
金膏灭明光,
水碧辍流温。
徒作千里曲,
弦绝念弥敦。
Arrivant au lac Peng Li
Fatigue d’un errant
Caprices des vents
Vagues contre une île
S’émiettent à la rive
Lune et chants des singes
Rosée et parfum
Fin du printemps vert
Sommet au nuage
Pensées affluant
Au coucher, à l’aube
Par le précipice
Je grimpe au sommet
Aux courants, tant d’histoires
Squelette des idées
Les trésors cachés
L’âme rare introuvable
L’herbe perd sa clarté
L’eau qui se dégrade
Musique pour une grue
Corde rompue, soucis restent
Octobre 2024
登池上楼
谢灵云(385年—433年)
潜虬媚幽姿,
飞鸿响远音。
薄霄愧云浮,
栖川怍渊沉。
进德智所拙,
退耕力不任。
徇禄反穷海,
卧疴对空林。
衾枕昧节候,
褰开暂窥临。
倾耳聆波澜,
举目眺岖嵚。
初景革绪风,
新阳改故阴。
池塘生春草,
园柳变鸣禽。
祁祁伤豳歌,
萋萋感楚吟。
索居易永久,
离群难处心。
持操岂独古,
无闷征在今。
Monter au kiosque dominant sur le lac
Dragon en repos
Résonnent chants d’oiseau
Ne mérite-je
Ni l’un ni l’autre
Piètre mandarin
Incapable paysan
Vivres modestes
Un malade, forêt vide
Quel temps quelle saison ?
Montant au kiosque
Écouter les vagues
Aux creux des montagnes
Soleil printanier
Chasse le froid d’hier
L’herbe autour du lac
Oiseaux différents
Vieux poèmes ermites
En moi font écho
En longue solitude
Une paix difficile
Mais aujourd’hui
Je suis sans ennui
Septembre 2024
和王中丞闻琴诗*“
En écoutant la musique de Monsieur Wang”谢朓 (464-499)
凉风吹月露,
圆景动清阴。
蕙风入怀抱,
闻君此夜琴。
萧瑟满林听,
轻鸣响涧音。
无为澹容与,
蹉跎江海心*。
Vent frais, nuit humide
Pleine lune, ombre parfumée
Poitrine remplie
Mélodie nocturne
Forêt frissonnante
Ruisseau qui s’écoule
Qu’attends-je encore
Pour sortir du monde
Notes :
- 中丞:ministre provincial
- 蹉跎: longue hésitation, vanité du temps qui passe
- 江海心: désir de se fondre en fleuve et en mer
Août 2024
“Voyage au Dongtian”
戚戚苦无悰,
携手共行乐。
寻云陟累榭,
随山望菌阁。
远树暖阡阡,
生烟纷漠漠。
鱼戏新荷动,
鸟散余花落。
不对芳春酒,
还望青山郭。
Vie trop monotone
Voyageons ensemble
Au nuage la terrasse
Au loin porte la vue
Cette dense verdure
Cette fumée solitaire
Des poissons agitent
Feuilles de lotus
Des fleurs tombent
A l’envolée d’oiseaux
Cela fait oublier
Vin printanier
Juillet 2024
“观朝雨诗” 谢脁 (464-499)
“Une pluie matinale”
朔风吹飞雨,
萧条江上来。
既洒百常观,
复集九成台。
空濛如薄雾,
散漫似轻埃。
平明振衣坐,
重门犹未开。
耳目暂无扰,
怀古信悠哉。
戢翼希骧首,
乘流畏曝鳃。
动息无兼遂,
歧路多徘徊。
方同战胜者,
去翦北山莱。
Une pluie qui voltige
Dans le vent du fleuve
Couvrant le kiosque
Et toute la terrasse
Devenue brumeuse
Comme mince poussière
Attente solennelle
Avant l’assemblée
Sans perturbation
Rêverie ancienne
Dois-je me plonger
Ou me retirer ?
Comment concilier
Repos et action
Enfin gagne en moi
La montagne du nord
Juin 2024
沈约 (441-513)《咏湖中雁》
"Chant sur les oies sauvages au lac"
Chaque printemps au lac
Ces oies de l'eau claire
Au bec des algues fraîches
Rosée sur les ailes
Ensemble, font des vagues
Seul, chasse au rayon
Planation longue
Envolée brusque
Plumes bien rangées
En route de retour
《咏湖中雁》南北朝·沈约
白水满春塘,
旅雁每迥翔。
唼流牵弱藻,
敛翮带馀霜。
群浮动轻浪,
单泛逐孤光。
悬飞竟不下,
乱起未成行。
刷羽同摇漾,
一举还故乡。
mai 2024
阮籍 Ruan Ji(210-263)
灼灼西隤日,
余光照我衣。
回风吹四壁,
寒鸟相因依。
周周尚衔羽,
蛩蛩亦念饥。
如何当路子,
磬折忘所归。
岂为夸誉名,
憔悴使心悲。
宁与燕雀翔,
不随黄鹄飞。
黄鹄游四海,
中路将安归。
Tièdes crépuscules
Encore sur ma veste
Quand s’élèvent les vents
En groupe les oiseaux
Indépendants ou
Ils s’entraident, mais
Chemin glorifié
Sans retour, corps plié
Vaine célébrité
Visage fatigué
La vie d’un moineau
Ou celle d’un cygne
Choix évident
Une fade destinée*
Note: L’auteur avait renoncé à une alliance royale et à des nominations importantes.
Avril 2024
谢混 (381-412)
游西池
悟彼蟋蟀唱,
信此劳者歌。
有来岂不疾,
良游常蹉跎。
逍遥越城肆,
愿言屡经过。
回阡被陵阙,
高台眺飞霞。
惠风荡繁囿,
白云屯曾阿。
景昃鸣禽集,
水木湛清华。
褰裳顺兰沚,
徙倚引芳柯。
美人愆岁月,
迟暮独如何?
无为牵所思,
南荣诫其多。 [
Visite au Lac de l’Ouest
Concert des grillons
Voix des ouvriers (1)
Trop de temps oisif?
Il se perd en route
Traversant les marchés
Pensées peu calmes
Chemin au cimetière
Terrasse crépusculaire
Vent léger au bois
Nuage en montagne
Les oiseaux s’assemblent
Au lac l’ombre des fleurs
Retenant la robe
Promenade au quai
Toute beauté flétrisse
Ainsi le coucher
Chassons nos idées
Leçon de Nanrong (2)
Notes:
1) Une belle pair de vers traduite mot-à-mot selon l’ordre initial:
悟-彼-蟋蟀-唱,
Verbe – adv – nom – nom dérivé du verbe
Prendre conscience – de ceci – grillons - chants
信-此-劳者-歌。
Verbe – adv – nom – nom dérivé du verbe
Croire – de cela – travailleurs - chants
Les synonymes 歌 (ge) et 唱 (chang) sont largement en utilisage aujourd’hui, 唱 (chang) devient plus un verbe, 歌 (ge) devient plus un nom, mais ils sont encore interchangeables dans certains cas, en écrit.
Le type de parallélisme sera exploité à l’extrême dans la poésie ultérieure.
Cette note, ainsi que des autres faites ailleurs dans ma traduction, me servira, je l’espère, de démontrer le degré de l’approximativité, voire de l’impossible, ou ce qu’on perd, dans la traduction d’un poème chinois ancient.
2) 南荣 Nanrong:
Personnage dans une anecdote sur 老子 Lao Zi qui lui enseigne la soit disante “modestie”. Le terme en chinois 虚心 vient de là, il veut dire « vider le cœur », ce qui a peu de connotation morale, mais indique plutôt l’acte mental consciencieux, et égoïste par endroit, de se réduire en état premier de l’existence, innocente comme celle d’un nouveau-né, en essayant d’éviter toute contamination du monde.
Mars 2024
兰亭诗集 Recueil du Pavillon Bleu
孙绰(314-371)
流风拂枉渚,
停云荫九皋。
莺语吟修竹,
游鳞戏澜涛。
携笔落云藻,
微言剖纤毫。
时珍岂不甘,
忘味在闻韶。
Vent léger au lac
Que couvre un nuage
Murmurs des oiseaux
Jeux des poissons
Plume fixant le beau
Paroles détaillant tout
Les mets oubliés quand
S’élève la musique
Février 2024
“读山海经,其一”
孟夏草木长,
绕屋树扶疏。
众鸟欣有托,
吾亦爱吾庐。
既耕亦已种,
时还读我书。
穷巷隔深辙,
颇回故人车。
欢然酌春酒,
摘我园中蔬。
微雨从东来,
好风与之俱。
泛览周王传,
流观山海图。
俯仰终宇宙,
不乐复何如!
Verdure de l’été
Maison entourée
Contents les oiseaux
Heureux moi aussi
La plantation faite
La lecture reprise
Allée trop étroite
Pour des belles voitures
Plaisirs du vin frais
Légumes du jardin
Une fine pluie de l’est
Agréable le vent
Livre sur Royaume Zhou (1)
Tableaux des trois mers (2)
L’univers afflue
Quelle joie plus grande
Notes
1) 周穆王 (environ 1027-922 AEC), roi de l’époque Zhou.
2) Les anciens croyaient que les dessins ont précédé le récit, concernant “Le Classique des trois mers”. La plupart des dessins sont perdus.
Janvier 2024
杂诗-其二
白日沦西河,
素月出东岭。
遥遥万里辉,
荡荡空中景。
风来入房户,
夜中枕席冷。
气变悟时易,
不眠知夕永。
欲言无予和,
挥杯劝孤影。
日月掷人去,
有志不获骋。
念此怀悲凄,
终晓不能静。
L’eau crépusculaire
Au sommet la lune (1)
Si vaste sa clareté
Si vide le ciel (2)
Le vent entre par porte
Froid nocturne au lit
Tel air, telle saison
La veille est longue (3)
Aucune compagnie
Verre levé à l’ombre
S’en vont les années
Se bloquent mes rêves
Ainsi, jusqu’à l’aube
Suis-je intranquille
Notes:
1) Très beau pair de vers:
Blanc/soleil/tombe/west/rivière
Clair/Lune/monte/est/colline
Il m’est important de traduire en restant autant que possible proche du rythme original.
2) Deuxième parallelxxx très beau, d’un syntaxe différent:
“Très loin très loin / à dix-mille lieues / sa lumière
Très vaste très vaste / au ciel / son image”
*Les doubles adjectifs “遥遥”et “荡荡”— figure héritée des chansons antiques recueillies dans « 乐府歌辞 » (voir les autres numéros d’Isola), souvent utilisée dans la poésie classique, incorporée dans la langue d’aujourd’hui.
3) Encore un pair de vers, de structure variée :
“Quand l’air change / on sait que / la saison n’est plus la même”
“Quand éveillé / on sait que / la nuit est longue”
12/2023
归田园居 其四
久去山泽游
浪莽林野娱
试携子侄辈
披榛步荒墟
徘徊丘垄间
依依昔人居
井灶有遗处
桑竹残朽株
借问采薪者
此人皆焉如
薪者向我言
死没无复余
一世异朝世
此语真不虚
人生似幻化
终当归空无
Montagne et rivière
bois et champ sauvage (1)
Avec les enfants
Arriver aux ruines
Rôdant aux sentiers
Une maison d'antan
Débris four et puis
Tiges des bambus
Demande au passant (2)
"Où est le maître du lieu?"
"Plus rien, tout s'en va"
Répond la personne
Trente ans un autre monde (3)
C'est en effet vrai
La vie mirage
Retourne au néant
Note:
1) Pair des vers parallels.
Structure:
久去 adv 山泽 adv lieu 游 verb
浪莽 adv 林野 adv lieu 娱 verb synonyme
2) 采薪者:celui qui ramasse des tiges et des branches pour faire le feu. C'est très différent d'un bûcheron. Pendant des siècles, les chinois, comme les Premières Nations en Amérique, utilisent seulement des arbres morts.
Ici, je ne peux faire d'autre que de traduire le terme en mot "passant".
A un autre sens, dans les textes littéraires chinois, bouddha apparaît parfois en se personnifiant en un passant inattendu, en un ramasseur des branches ou un pêcheur ou un mendiant, etc., à un moment ou à un lieu peut-être inspirant, pour révéler sa vérité.
3) 一世:trente ans. Les anciens croyaient au grand changement à tous les trente ans.
11/2023
饮酒-十三
有客常同止
取舍邈异境
一士常独醉
一夫终年醒
醒醉还相笑
发言各不领
规规一何愚
兀傲差若颖
寄言酣中客
日末烛当秉
"Vins, XIII"
Se fréquentent deux hommes
Des mondes différents
L'un est souvent ivre
L'autre très éveillé
L'un se moque de l'autre
Nul ne se comprend
Le sage ridicule
Le fou clairvoyant
A la nuit tombée
Bougie allumée *
Note:
Opposition des attitudes des deux êtres qui ne sont, à mon avis, que deux spectres qui habitent le personnage du poète.
10/2023
Retour à la terre II
归田园居 - 其二
野外罕人事
穷巷寡轮鞅
白日掩荆扉
虚室绝尘想
时复墟曲中
披草共来往
相见无杂言
但道桑麻长
桑麻日已长
我土日已广
常恐霜霰至
零落同草莽
Dehors passant rare
Ruelle sans voiture(1)
Porte fermée le jour
Pièce vide sans pensée (2)
Parfois voisins viennent
Traversant hautes herbes
Paroles intactes sur
Récolte et tissage
Mûriers et chanvres (3)
S'étendent sur ma terre
Gel et grésil seuls
Peuvent m'inquiéter
Notes:
1) Parallèle:
Vers initiant
野外 adverbe du lieu, paysage sauvage /罕 adjectif (on dirait qu'ici il joue le rôle d'un verbe, mais dès qu'on introduit le verbe "être", le vers devient par trop discursif) / 人事 nom, vicissitudes du monde
Et
Vers correspondant
穷巷 adverbe du lieu, ruelle pauvre /寡 adjectif synonyme de 罕 / 轮鞅 nom, martingale à roue que seuls les mandarins avaient les moyens de s'en servir
2)Parallèle, mais cette fois suivant l'ordre de "adverbe / vrbe / complément"
3) 桑,mûriers pour nourrir des vers de soie; 麻, chanvres pour fabriquer des tissus épais
09/2023
陶渊明 (365-427)
"饮酒 - 其五"
结芦在人境
而无车马喧
问君何能尔
心远地自偏*
采菊东篱下
悠然见南山
山气日夕佳
飞鸟相与还
此中有真意
欲辨已忘言
Traduction
Vivant dans le monde
Mais sans visiteurs
Comment y arriver
Un coeur éloigné*
Cueillant des fleurs je vois
La montagne du sud
Senteur du coucher
Retour des oiseaux
Vrai sens dans cela
Les mots m'échappent
Note:
*Cette pair de vers traduite mot à mot: Quand le coeur s'éloigne, on choisit naturellement une région reculée.
08/2023
孔融 Kong Rong (151-208), descendant de Kong Zi, très apprécié par son contemporain et le futur roi曹丕 Cao Pi, mais fervent royaliste, il a été condamné à mort par Cao Cao 曹操qui, travaillant au nom du vieil empire en déclin, détenait le vrai pouvoir. Largement grâce à ses exploits, son fils Cao Pi a pu fonder le royaume 魏晋 Wei Jing en 220.
Ici j'ai traduit son "Poème d'adieu" rédigé avant l'exécution, et un poème aux six syllabes 六言 qui montre combien au début, par l'ironie du sort, il croyait en 曹操 Cao Cao le mandarin militaire de sauver l'empire,et aussi la forme aux six syllabes 六言 (Kong Rong a écrit plusieurs poèmes sous cette forme) qui était peu courante mais qui donnait un rythme très beau et tout particulier.
临终诗 Poème d'Adieu
言多令事败
器漏苦不密
河溃蚁孔端
山坏由猿穴
涓涓江汉流
天窗通冥室(1)
谗邪害公正
浮云翳白日(2)
靡辞无忠诚
华繁竟不实(3)
人有两三心
安能合为一
三人成市虎
浸溃解胶膝 (4)
生存多所虑
长寝万事毕
Traduction
Troubles par paroles
Comme fente sur un bol
Fourmi pour barrage
Singes pour rochers
Fleuve de Han s'écoule
Du ciel à la tombe (1)
Mensonges tuent justice
Nuages couvrent le jour (2)
Serments insincères
Mots de vanité (3)
Chacun ses motifs
Union impossible
Rumeurs écoutées
Confiance diluée
Fin des mille soucis
Je dors pour de bon
Note:
1) Le sens apparent de ce verre semble redondant aux autres dans ce poème, mais il est plus vague et ambigu, il pourrait insinuer la situation où le pouvoir de l'empire se faisait lentement usurpé.
2) 翳 yi:couvert fait de plumes, initiallement pour des voitures, devient plus tard un instrument pour la dance. Mot rare aujourd'hui.
3) Ici dans plusieurs vers il semble implorer le fait qu'on déroute et malmène l'empereur.
4) Le poète emploie une métaphore décrivant comment des amis se détachent, et que la confiance se défait devant des rumeurs continuelles, comme la colle se perd peu à peu à cause de l'infiltration de l'eau
07/2023
陈琳 Chen Lin(?-217),poète et essayiste, a vécu pendant les guerres de la fin de la Dynastie Han. Conseiller de 袁绍(Yuan Shao)en défaite, capturé par l’armée vainquante de 曹操 Cao Cao mais libéré et retenu dans la cour grâce à ses talents de plume, malgré son célèbre article polémique contre Cao Cao. Il fut mort, en même temps que plusieurs autres membres de “建安七子” (Sept lettrés de l’époque Jian An), d’une maladie contagieuse.
Vous verrez donc que sa poésie exprime une insoutenable détresse.
高会时不娱
gao hui shi bu yu
羁客难为心
ji ke nan wei xing
殷怀从中发
yin huai cong zhong fa
悲感激清音
bei gan ji qing ying
投觞罢欢坐
tou shang ba huan zuo
逍遥步长林
xiao yao bu chang ling
萧萧山谷风
xiao xiao shan gu feng
黯黯天路阴
an an tian lu ying
惆怅忘旋反
chou chang wang xuan fan
嘘唏涕沾襟
xu xi ti zhan jing
Traduction
Grand banquet sans joie
L'abrité sans son coeur
Regrets dans les chants
Tristesse dans les airs
Verres jetés, siège quitté
Longue marche en forêt
Sifflait sifflait le vent*
Sombre sombre le chemin
Retour oublié
Des larmes mouillent la veste
Note:
Dans ces deux verres, l'usage des mots doubles "萧萧xiao xiao" et "黯黯an an" fait partie d'une figure stylistique importante qui provient des origines très lointaines comme on peut le constater dans l'antique "乐府歌辞”(volumineux recueils des chansons populaires) et qui est conservée et incorporée dans la langue jusqu'aujourd'hui.
J'ai opté de respecter la formulation initiale des deux vers, sachant que ce que contiennent ces deux mots double, sons et lumière, mouvements et émotions, atmosphère et manière, sont difficiles à rendre sans casser le rythme. Mais le rythme serait tout aussi capital, dans un tel poème qui commande le nombre spécifique de syllabes. Tout effort d'allonger les poèmes chinois "strictes" dans la traduction risque de les rendre prosaïques, de les habiller en modernes, et de défaire leur spécificité historique ainsi que leur raison d'être.
06/2023
Wang Can 王粲 (177-217)
"七哀诗”(其一)
Sept tristesses *(partie I)
Désordre à Chang An
Troublée par des monstres
Départ obligé
Réfuge à Jing Zhou**
La famille me plaint
Les amis me retiennent
La route désertée
Les os couvre la plaine
Une femme affamée
Dans l'herbe jète son bébé
Ecoutant les pleurs
Elle ne s'y retourne
Ne sachant où je meurs
comment rester ensemble?
Cela insupportable
Vers tombeaux royaux
Je monte au quai sud
Capitale au loin
Le chant de Xia Quan***
王粲
"七哀诗”(其一)
西京乱无象
xi jing luan wu xiang
豺虎方遘患
chai hu fang gou huan
复弃中国去
fu qi zhong guo qu
委身适荆蛮**
wei shen shi jing man
亲戚对我悲
qin qi dui wo bei
朋友相追攀
peng you xiang zhui pan
出门无所见
chu men wu suo jian
白骨蔽平原
bai gu bi ping yuan
路有饥妇人
lu you ji fu ren
抱子弃草间
bao zi qi cao jian
顾闻号泣声
gu wen hao qi sheng
挥涕独不还
hui ti du bu huan
未知身死处
wei zhi shen si chu
何能两相完?
he neng liang xiang wan
不忍听此言
bu ren ting ci yan
南登霸陵岸
nan deng ba ling an
回首望长安
hui shou wang chang an
悟彼下泉人***
wu bi xia quan ren
喟然伤心肝
kui ran shang xin gan
Notes:
"七哀”,nom de l'air musical de Yue Fu Ge Ci 乐府歌辞
** “荆”,nom d'une ville dans la région de Chu, considéré alors comme étant sauvage. L'auteur s'est réfugié chez un ami de la famille qui y était maire.
*** “下泉”,"ruisseau souterrain", le titre d'un poème dans "Shi Jing 诗经” (Le Livre de la Poésie, voir les tout premiers numéros de ce site). Poème élogieux envers l'Empereur Wen Di 文帝 de la Dynastie Han au temps prospère, qui est réputé d'avoir civilisé le peuple avec sa grâce.
Mai 2023
Kong Hou Yin 箜篌引, poème accompagné de l'instrument Kong Hou
Par 曹植 Cao Zhi
Grand salon bon vin
Excursion en groupe
Mets exquis sont cuits
De l'agneau, du boeuf
Epiques souffles de Qing(1)
Et tendres airs de Qi
Douces dances de Yang Ah
Chansons de Luo Yang
Passent les premiers verres
A table en détente(2)
Invités et maître
S'échangent les souhaits
Longues amitiés (3)
Pas à oublier
Humble gentilhomme
Désintéressé
Rafale en plein jour
S'en va le soleil
Jeunesse passée
La fin soudain proche
Fleurs d'un beau jardin
Retour en désert
Quel ancêtre ne meurt
De quoi s'inquiéter?
Note de la traductrice:
(1) Quatre vers sur la musique des différents endroits.
(2) 倾: tout, sans retenu 庶: simple, de masse 羞: honte, gêne. Ici, le vers décrit un état "sans manière".
(3) L'auteur a alors perdu sa position de l'héritier royal. Les vers qui suivent reflètent sa relative solitude et l'approche de sa propre fin.
kong hou yin
置酒高殿上,
zhi jiu gao dian shàng
亲交从我游。
qing jiao cong wo yOU
中厨办丰膳,
zhong chu ban fen shàn
烹羊宰肥牛。
pen yang zai fei niOU
秦筝何慷慨,
qing zhen he kang kài
齐瑟和且柔。
qi se he qie rOU
阳阿奏奇舞,
yang ah zhou qi wu
京洛出名讴。
jin luo chu ming OU
乐饮过三爵,
yuè ying guo san jue
缓带倾庶羞。
huan dai qing ze xiOU
主称千金寿,
zhu chen qian jing shOU
宾奉万年酬。
bin feng wan nian chOU
久要不可忘,
jiu yao bu ke wang
薄终义所尤。
bao zong yi suo yOU
谦谦君子德,
qian qian jun zi de
磬折欲何求。
pan ze yu he qiOU
惊风飘白日,
jin feng piao bai ri
光景驰西流。
guang jing chi xi liOU
盛时不可再,
shèng shi bù ke zài
百年忽我遒。
bai nian hu wo qiOU
生存华屋处,
sheng chun hua wu cù
零落归山丘。
ling luo gui shan qiOU
先民谁不死,
xian ming shei bù si
知命复何忧?
zhi ming fu he yOU
Avril 2023
曹植 Cao Zhi (L'an 192-232)
Poème pour 王粲 Wang Can**
Soucis accablants
Je sors au jardin
en fleurs printanières
au lac des vagues longues
Cri d'oie solitaire
Appelle son copain
Je ne peux la prendre
dans mes mains, sans bateau.
Chemin oublié
Retour difficile
Vent siffle aux oreilles
S'en va le soleil
La pluie étend sur
tout, sa grâce égale
D'où vient votre crainte
Qui me rend intranquille?
Note:
王粲 (Wang Can) est l'un des "sept lettrés de l'époque Jian An 建安七子”,ami familial des Cao.
Cao Zhi était le fils cadet et préféré de Cao Cao qui a voulu d'abord le désigner l'héritier du trône. Cao Cao a changé d'idée après, et a passé la couronne à son fils aîné Cao Pi. Les deux frères s'entendaient mal à cause de pareille compétition.
Version originale avec pinyin (note de prononciation et des rimes)
赠王粲诗
端坐苦愁思,
duan zuò ku chou si
揽衣起西游。
ran yi qi xi yOU
树木发春华,
shù mù fa chun hua
清池激长流。
qing ci ji chang lOU
中有孤鸳鸯,
zhong you gu yuan yang
哀鸣求匹俦。
ai ming qiu pi shOU
我愿执此鸟,
wo yuan zhi ci jiao
惜哉无轻舟。
xi zai wu qing zhOU
欲归忘故道,
yu gui wang gu daò
顾望但怀愁。
gu wang dan huai chOU
悲风鸣我侧,
bei feng ming wo cè
羲和逝不留。
xi he si bu liOU
重阴润万物,
cong ying run wan wu
何惧泽不周?
he ju ze bu zhOU
谁令君多念,
shei ling jun duo nian
自使怀百忧。
zì shi huai bai yOU
Mars 2023
曹植 Cao Zhi (L'an 192-232)
Poèmes divers (1)*
Terrace au vent triste
Soleil sur la forêt
A mille lieux vous êtes
Trop larges sont les eaux
Trop petit le bateau
L'oie s'envole au sud
Ici traîne son cri
Prière à l'oiseau
Serait-il messager?
Mais ses ailes se battent
Comme de rien n'était
Note:
Cette pièce a un vocabulaire poétique riche, que je n'arrive pas à tout rendre, surtout en voulant conserver le rythme initial.
Version originale
杂诗其一
高台多悲风,
gao tai duo bei fEN
朝日照北林。
zhao ri zào bei lING
之子在万里,
zhi zi zaì wàn li
江湖迥且深。
jiang hu jong qie shEN
方舟安可极,
fang zhou an ke ji
离思故难任!
li si gu nan rÈN
孤雁飞南游,
gu yàn fei nan you
过庭长哀吟。
guo ting chang ai nING
翘思慕远人,
qiao si mu yuan rEN
愿欲托遗音。
yuan yu tuo yi yING
形影忽不见,
xing ying hu bu jiàn
翩翩伤我心。
pian pian shang wo xING
Février 2023
曹丕 Cao Pi(187-226)
Poèmes divers (numéro un)
Nuit d'automne bien longue
Vent du nord siffle (1) (2)
Sommeil impossible
Je sors en veste
Va et vient sans heure
Sur moi rosée blanche
En bas les vagues pures
Au ciel une lune claire (3)
Galaxie vers l'ouest
Rangs croisés d'étoiles
Cris d'insectes si tristes
Vol d'Oie solitaire
Ce mal du pays
Interminable
Sans ailes pour voler
Sans pont pour passer
Au vent soupires longs
Reste un coeur brisé
Notes:
1, Mots doubles 叠词 (figure esthétique issue des chansons folkloriques recueillies dans 乐府歌辞,voir Isola des années précédentes) “漫漫” adverbe qui décrit une lente ou une douce étendue mais sans limite, renforcée de plus par l'emploi du doublement, d'une nuit ou de la neige ou de la pluie ou d'une vue étendue sur l'eau etc. La typologie du mot évoque de l'eau. La prononciation "Man Man" indique la sensation d'une lente submersion.
Encore en usage aujourd'hui dans les écrits littéraires.
“烈烈”, adverbe, originellement renvoie à la force du feu, ici le mot au sens dérivé décrit l'extrême froid. La prononciation "Lie Lie" ferait entendre les cris aigus.
Le mot non doublé est en usage courant aujourd'hui. Au sens figuré il qualifie un médicament qui agit fortement, ou bien un caractère intransigeant, etc.
2) Parallèle:
漫漫秋夜长
adverbe (infiniment) / adjectif (d'automne) / nom (nuit) / adjectif (longue)
烈烈北风凉
adverbe (extrêmement) / adjectif (du nord) / nom (vent) / adjectif (froid)
Ces deux vers se prononcent ainsi:
"màn màn qiu yè chang
liè liè bei feng liang"
Le clavier ne me permet pas à marquer tous les quatre tons qui contribuent à la musicalité.
On voit que le poème se rime au son "ang", qui se prononce comme "en" en français.
3) Un autre exemple de parallèle
俯视清水波
verbe utilisé comme adverbe (s'inclinant vers le bas) / verbe (regarder) / adjectif (pure) / nom groupé (vagues)
仰看明月光
verbe utilisé comme adverbe (se levant la tête) / verbe (contempler) / adjectif (claires) / nom composé (lumières de la lune)
Janvier 2023
曹操 (Cao Cao)(155-220)
Cao Cao a donné un dernier renouveau à la poésie aux quatre syllabes (四言), alors que celle aux cinq syllabes (五言)fut déjà en vogue. "观沧海" a été écrit en l'an 207, dans la montagne Jie Shi 碣石山, située à la province Liao Ning 辽宁.
观沧海
Regard sur l'immensité de la mer
Sur Mont Jie Shi
Regard au loin
L'eau ondulante
Rochers abruptes
Forêts robustes
Mille plantes vitales
Bruits d'automne
Vagues intenses
Tout monte de là
Soleil et lune
Et dans la mer
Etoiles brillent
Joie extrême
Note par ce chant
Note (1) et (2):
Dans ces quatre vers:
日月之行... et 星汉灿烂... sont des parallèles nom + verb,
若出其中 et 若出其里 sont répétitions légèrement variées.
L'auteur indique clairement, au dernier vers, qu'il s'agit d'un chant 歌.
December 2022
古诗十九首 “Les dix neuf vieux poèmes “(十七)
17)
Une saison d'hiver
Vent impitoyable
Comme la nuit est longue
Les étoiles brillent
Déjà la pleine lune
N'est plus parfaite
Le voyageur
M'a laissé une lettre
Sa pensée pour moi
Son regret de partir*
Des années passent
Ces mots sont restés
Mon coeur inchangé
Mais le saurait-il?
*Note
Pair de vers en parallèle:
上 (adv,: en haut; d'abord)
言 (verbe: dire)
长 (adv.: souvent)
相思 (verbe doublé: penser amoureusement)
下 (adv.: en bas; après)
言 (verbe: dire)
久 (adv.: longuement)
离别 (verbe doublé: se séparer)
19)
Au clair de la lune
Les chants des grillons
Parmi tant d'étoiles
Allioth montre Meng Dong (1)
Du Gel blanc sur l'herbe
Une autre saison
Cigales sur les branches
Xuan Niao sont partis (2)
Mes ancient collègues
Voltigent au nuage
Plus d'amitié
Je deviens une trace
Nan Ji plus Bei Dou (3)
Qian Niu ne peut rien (4)
Rien n'est stable
A quoi bon tout succès?
Novembre 2022
“Dix neuf vieux poèmes"
15)
Décennies de vie
Mille ans de soucis
Des nuits trop longues
Sortir avec bougies
Plaisirs du moment
Remplacent l'avenir
Les disciplinés
Se feront moqués
Ascèse et éveil*
Irréalisable
Note:
王子乔: personnage légendaire, petit fils de l'empereur Zhou (au trône 571-545AEC), devenu un ermite transhumain que vénèrent les taoïstes. Son nom devient le synonyme de l'ascèse.
Ce procédé, qui consiste à indiquer, d'un nom ou d'une brève expression, une référence historique, et à faire un lien entre les temps et les situations, est fréquemment utilisé dans la poésie chinoise ancienne, parfois même dans celle moderne, et même aussi dans certaines chansons populaires. Cela renforce la densité du texte dans une langue déjà ultra sobre.
Pour respecter le rythme d'un poème, j'ai décidé, dans ma traduction, de garder seulement le sens figuré de telles références, et d'ajouter une note en revanche.
Octobre 2022
"Les dix-neuf vieux poèmes"
(13)
En voiture, porte est (1)
Cimetière au loin
Bouleaux foisonnant
Ombre des sapins
Vieux os sous la terre
Ténèbres éternels
Dans l'eau souterraine (2)
Mille ans sans réveil
Jour et nuit s'alternent
Une rosée une vie
De passage rapide
Moins solide que pierre
Même la sainteté
Ne peut nous aider
Les portions magiques (3)
Souvent nous trompent
Valent mieux bons vins et
beaux habits de soie
Notes:
Seuls les bien nantis étaient en voiture
Luo Yang était la capitale et le centre des commerces. Le cimetière de la ville se trouvait sur la colline en dehors des murailles, côté nord.
2) Chemin vers l'enfer
3) L'alchimie était en vogue à l'époque
Septembre 2022
"Les dix-neuf vieux poèmes" (11)
Grincement des roues
Chemins étendus
Dans les champs sauvages
Mille plantes sous le vent
L'inconnu total
Vieillir soudain
Etabli trop tard
Mais tout est écrit*
Sans être pierre et fer
Jeunesse s'en va
Vite en poussière
Seul un bon nom compte
Il est difficile de faire ressortir la beauté de ce vers. La traduction littérale serait: " Pour chaque personne, au cours de sa vie et dans sa carrière, la montée et la descente, le sommet et la chute, ne sont pas prévisible, et ont lieu seulement au moment venu, selon la volonté du ciel."
L'expression mot-double groupé "盛(en fleur, robuste, prospère)衰(flétrir, vieillir, s'affaiblir)“ est aujourd'hui encore couramment en usage pour dire "vicissitudes".
Le poème est parfaitement rimé aux vers pairs: 道 (dao),草 (cao),老 (lao),早 (zao),考 (kao),宝 (bao)。
Août 2022
Les dix-neuf vieux poèmes" (9)
Au jardin un arbre
Belles feuilles et fleurs
J'en cueillis une pour
celle dans ma pensée
Ma manche parfumée*
La fleur pas partie
Objet sans importance
Chargé de ma langueur
* Grande manche qui sert aussi de poche.
Juillet 2022
"Les dix-neuf vieux poèmes" (7)
Clair de lune si pur
Rideaux-lit en soie
Triste, je m'habille
Je vais et je viens
Plaisirs du voyage
Ne valent pas chez soi
Dehors dans la nuit
A qui confier?
Rentrée dans la chambre
Veste tachée de larmes
Note:
On tend à croire que les dix-neuf poèmes sont écrits par des hommes. On ne voit aucune poétesse qui a laissé son nom, à l'époque. Hors d'après les tournures prises, j'ai l'impression que, dans cette collection et aussi dans les recueils de Yue Fu, beaucoup de vers sortaient de la main des femmes sans nom.
Juin 2022
"Les Dix-neuf vieux poèmes (古诗十九首)
5)
Maison au nord-ouest
Nuages flottants
Carreaux bois scruté
Au bout des marches
D'où chant et guitar
Pleins de tristesse
De qui telle musique?
La veuve de Qi Liang(1).
Airs sobres de Shang(2)(3)
S'étendent comme le vent
Ralentis au milieu
Ils vont et viennent
Soupirs sur les cordes
Une touche digne
Sans amertume
De celle qui chante
Mais rares sont ceux qui
savent écouter (4)(5)
Ces oiseaux célestres
Haute envolée ensemble
Note:
1)杞梁 Qi Liang, général du royaume Qi (齐国),mort pendant la guerre à l'an 550 AEC. Critiqué à tort pour ses erreurs militaires par la suite. Sa veuve a insisté pour que son honneur soit rétablie. Cette légende est entrée dans le vocabulaire pour désigner les situations semblables.
Il s'agit d'un usage courant dans le vocabulaire chinois, notamment dans la poésie mais aussi ailleurs, qui consiste à mentionner une antique légende pour décrire une situation courante. Ce procédé crée une énorme résonance des temps, malgré la stricte économie des mots.
2) Qing Shang 清商,type de musique en vogue à l'époque, souvent triste, faite par des femmes, accompagnant parfois les danses dans la cour.
3) accordance du syntax entre deux vers:
清商随风发,中曲正徘徊
adj, nom, adv, verbe mot composé décrivant un état de mouvement
/adj, nom, adv, verbe mot composé décrivant un état de mouvement
4) - accordance du syntax:
不惜歌者苦,但伤知音稀。
adv mot composé, nom composé, adj /adv mot composé, nom mot composé, adj
- parallèle ou antithèse entre deux vers:
不 ne pas / 但 mais seulemet
惜 regretter / 伤 lamenter
Afin de montrer ces sous structures, la traduction a été hélas rallongée.
5) Les deux groupes de vers ci-dessus montrent que, déjà, à cette époque de genèse de la poésie aux cinq syllabes, à l'intérieur d'un poème dont tous les vers ont le même nombre de syllables, il existait néanmoins une combinaison de jeux très variés de syntax, et de vocabulaire. Cette tendance formaliste serait renforcée et poussée à l'extrême dans les époques à venir.
May 2022
"Les Dix-neuf vieux poèmes (古诗十九首)
3)
Verts verts sapins aux tombes,
Durs durs cailloux du ruisseau.
Soudain un étranger
Entre ciel et terre.
Petit pot, vin léger
Grand contentement
Voiture à cheval lent
Balades entre Lo et Wan. (1)
Villes effervescentes,
Ondulent des chapeaux aux rubans.
Longues allées, petites ruelles,
Foyers princiers multiples.
Palais face à face
Hauteur des murailles.
Festin parfait, mais d'où leur vient
Cette ombre de tristesse?
Note:
Villes prospères de la fin de l'époque Han, au deuxième siècle.
Avril 2022
"Les Dix-neuf vieux poèmes (古诗十九首)
1)
Marcher et marcher, (1)
Chemin de l'adieu.
Loin de dix mille lieues,
Au bout du ciel.
Route longue et dure,
Comment prévoir
Nos retrouvailles?
Chevaux étrangers:
Dans le vent du nord.
Les oiseaux de Yue (2):
Sur les branches du sud. (3)
Si longtemps seule,
Taille amincie.
Les nuages légers
Couvrent le jour,(4)
L'exilé se plaît
A s'y attarder.
En pensant ainsi,
Soudain, apparaissent
Sur mon visage
Les traces du temps.(5)
Note:
1) 行行,répétition du verbe 行 devient une combinaison "verbe/adverbe" qui veut dire "marcher longuement", cet emploi - la répétition non seulement du verbe mais aussi de l'adjectif et de l'adverbe, pour décrire un état qui est actif, et pour créer un rythme - est courant dans les chansons de Yue Fu 乐府, hérité par des poètes.
2) Yue 越,région de l'extrême sud du pays.
3) Les deux vers à propos des chevaux et des oiseaux sous-entendent qu'on doit savoir où l'on appartient.
4) 浮云,nuages flottants: métaphore de tout ce qui est passager, superficiel, de la fortune au pouvoir jusqu'aux relations intimes.
5) Ce poème, aux rimes plutôt souples, contient 14 vers, tous au 5 syllabes. La traduction, qui se refuse à paraphraser un poème codifié, essaie d'en respecter, non seulement le sens, mais autant que possible le nombre de syllabes et le syntaxe, mais pas strictement. Cela donne hélas 21 vers.
Mars 2022
Chansons contemporaines
Promenade dans les champs
Mots par Zhuang Nu 庄奴 (de Taiwan)
Musique par Wu Zhiqiang 吴智强 (de Taiwan)
"Je me promène dans les champs
Le sentier est couvert de couleur d'automne
Les feuilles jaunes dorées au bout des branches
Arrive le vent bien sonore pour célébrer la saison
Je traverse les villages
Et j'y reçois toujours beaucoup
Flotte dans l'air le parfum des plantes de riz
Sur le visage des paysans occupés brille leur sourire
Combien le ciel est bleu et large
Des nuages ressemblant à des fleurs
La montagne ne s'ennuie pas
Une petite rivière ruisselle à côté
Je marche dans les champs
Le coeur rempli de couleur d'automne
Si tu étais là, tu m'accompagnerais à réviser
Le bonheur du passé
"La pluie nocturne dans les montagnes de Ba"
Music, mots et chant par Bai Shui
Tant de pluie tombe la nuit
dans la montagne de Ba
Où est restée mon amie d'autrefois?
Comme un rêve, comme un dessin miroité
Vent léger, l'eau mince, sable propre
En riant on parlait du retour
Mais dans le rêve les larmes coulaient
Qui sait où se retrouverait-on
Tant de pluie tombe la nuit
Dans la montagne de Ba
Dans ma tasse je ne retrouve pas
Le goût amer du thé parfumé
L'âme troublée et perdue
Comme au bout du monde
En riant on parlait du retour
Mais dans le rêve les larmes coulaient
Qui sait quand on se retrouvera
Février 2022
“Mulin", première partie (Yue Fu song)
Soupir après soupir, Mulin se mettait au tissage. Sa tristesse était si grande qu'on entendait à peine la machine."A quoi pensez-vous, lui demanda-t-on, et de quoi se souvenez-vous?" "Je ne pense à rien, répondit-elle, et je ne me souviens de rien. Seulement la nuit dernière j'ai vu une commande militaire, sa majesté appelle à former une grande armée. Dans chacun de ses douze rouleaux de courriers militaires, apparaît le nom de mon père. Mon père n'a pas de fils. Moi, Mulin, je n'ai pas de frère. Je souhaite me procurer un cheval, pour partir au front à la place de mon père."Un beau cheval acheté au marché de l'est, le siège trouvé au marché de l'ouest, la bride commandée au marché du sud, et un long fouet obtenu au marché du nord. Ayant dit adieux à ses parents à l'aube, aux crépuscules elle se campa déjà au bord de la Rivière Jaune. Les appels de ses parents laissés en arrière, elle n'entendait maintenant que les courants éclaboussants de la Rivière Jaune. Le lendemain matin, elle s'éloigna de la rivière, et le soir elle arriva au sommet de la montagne noire. Elle n'entendait plus les appels de ses parents. Il n'y avait que les cris des chevaux envahisseurs provenant de la Montagne Yan.
Janvier 2022
L'Envolée des paons vers le sud-est (1)
Résumé par la collection Yue Fu "乐府“:
Au milieu des années "Jian An" (2), vers la fin de la dynastie Han, Jiao Zhong-Qing, un petit fonctionnaire de la municipalité Lu Jiang, avait épousé Liu Lian-zhi. La mère du mari n'aimait pas sa belle fille, et finit par la chasser du foyer. Madame Liu refusait de se remarier, mais sa propre famille l'y obligeait. Alors elle se donna la mort dans la rivière. En apprenant cette nouvelle, Zhong-Qing se pendit sur l'arbre dans la cour de chez lui.
L'un de leurs contemporains, attristé, a écrit ceci:
"Au vol vers le sud-est, les paons se perdent et errent, encore et encore."
Première partie
"A treize ans, dit la jeune épouse, j'ai appris à tisser; à quatorze, je savais tailler les vêtements; à quinze, je jouais au guitar; à seize, je lisais des livres. A dix-sept je suis devenue votre épouse, et ma misère a commencé. Même si vous êtes occupé par votre fonction, j'ai gardé ma vertu et mon amour ne change pas. Je suis restée souvent seule dans notre chambre vide, et nos retrouvailles sont rares. Au chant du coq, je mets le métier à tisser en marche, qui tourne jusqu'à tard dans la nuit. Cinq rouleaux de tissu fabriqués en trois jours, votre mère trouve ce rythme lent. En fait, ce n'est pas que je ne tisse pas assez vite, mais qu'il m'est difficile de vivre dans votre famille! Je ne supporte plus ce labeur, et cela ne sert à rien que je reste ici. Vous pourriez donc parler à votre mère, qu'elle me renvoie sans tarder."
A ces mots, le fonctionnaire alla parler à sa mère. "Votre fils déjà ne semble pas avoir un brillant avenir au travail, j'ai beaucoup de chance d'avoir une si bonne épouse. Ayant partagé notre lit des premières noces, nous serons amis jusqu'à l'après-mort. Nous sommes ensemble depuis seulement deux ou trois ans, le bonheur a à peine commencé. La conduite de mon épouse étant irréprochable, vous pourriez, mère, la traiter avec plus de gentillesse."
La mère répondit à son fils: "Comme tu es étroit et têtu! Cette femme ne connaît pas de politesse, et se comporte capricieusement. J'en suis mécontente depuis longtemps, comment peux-tu la tolérer à ce point! Dans notre voisinage il y a une jeune fille vertueuse, elle s'appelle Qin Luofu. C'est une beauté incomparable, ta maman va lui proposer de t'épouser. Tu peux vite renvoyer ta femme, qu'elle parte vite!"
Le fonctionnaire, à genoux, supplia sa mère. "Si on divorce cette épouse, dit-il, je ne me remarierai plus jamais!"
Ces paroles causèrent une grande colère à la mère. En frappant le lit où elle était assise, elle jura: "Comme tu es audacieux, mon petit, comment oserais-tu défendre cette femme! J'ai perdu tout bon sentiment envers elle, et jamais ne me consentirai-je à ta demande!"
Le fonctionnaire se tut. Il se prosterna encore une fois, puis rentra chez lui. Face à la nouvelle mariée, il éclata en sanglots, et éprouva la difficulté de lui expliquer: "Je ne voudrais bien sûr pas vous congédier (3), mais ma mère me le force. Voudriez-vous temporairement retourner chez vous? Moi je retournerai séjourner à la municipalité. Mais bientôt je reviendrai et je vous accueillerai à la maison. Ceci est un serment de ma part. S'il vous plaît ne l'oubliez pas."
La nouvelle mariée répondit:"N'en parlons plus (4). Cette année-là, au début du printemps, j'ai quitté ma maison et je suis venue dans votre respectueuse famille. Pour toutes les affaires je consultait ma belle-mère. Comment oserais-je décider seule chaque pas que je faisais? Je travaillais jour et nuit, l'amertume et la fatigue habitaient mon corps esseulé. Je pensais que sans commettre de faute, je pourrais servir votre famille avec gratitude et pendant longtemps. Hélas je serai tout de même expulsée. Alors à quoi bon de parler de mon retour chez vous! En ma possession, il y a une courte veste brodée de fleurs multicolores, une tente de lit faite de soie rouge avec des sacs aux parfums pendus aux quatre coins, une soixantaine de coffres grands et petits, attachés avec de la ficelle de soie verte, remplis de beaux objets divers. Les objets se dévalorisent ensemble avec celle qui les possède, il ne faudrait pas les laisser à l'épouse remplaçante. Faites-en dons quand vous en avez l'occasion. Et considérant la situation, ne rêvons plus nos retrouvailles. Essayons plutôt de nous consoler avec le souvenir. Que nous ne nous oublions jamais!"
Le lendemain, au chant du coq, la nouvelle mariée se leva, s'habilla et se coiffa soigneusement. Elle enfila une jupe doublée et brodée, vérifia sa tenue plusieurs fois. Elle mis les chaussures au surface en soie brodée. L'épingle en pierre précieuse brillait sur ses cheveux. Autour de sa hanche s'attachait un ruban blanc en soie. Des bijoux en jade pendaient à ses oreilles. Ses doigts étaient minces comme de l'ail vert taillé, ses lèvres ressemblaient à une pivoine rouge. Avec sa silhouette mince, marchant au petits pas légers, sa beauté exquise est unique.
Elle alla au salon rendre politesse à sa belle-mère. Celle-ci était toujours fâchée. "J'ai grandi, dit la jeune femme, dans un village, au milieu de la campagne sauvage. J'avais appris peu de rites et de règles, donc je mérite mal le fils de votre respectable famille. Notre famille a reçu beaucoup de cadeaux de mariage de ma belle-mère, mais je n'arrive pas, par mon travail, à la satisfaire. Aujourd'hui je rentre chez moi, et vous confie la besogne de la maison." Ensuite, Lian-Zhi adressa son adieu à sa belle-soeur. C'est alors qu'elle ne pouvait plus retenir les larmes. "Quand je suis venue, ma belle-soeur était encore petite. Aujourd'hui tu as presque ma taille. J'espère que tu t'occuperas de tes parents et aideras ta famille. Chaque année, au septième jour du nouvel an et au dix-neuvième jour de chaque mois (5), quand tu joues, ne m'oublie pas." Et elle sortit et monta dans la voiture, et continua à pleurer.
Le cheval du mari en avant, la voiture de l'épouse en arrière, cela fait des bruits intermittents sur le chemin. Le cheval et la voiture se réunirent à l'intersection de la grande route. Le mari descendit du cheval et entra dans la voiture. Il chuchota aux oreilles de l'épouse: "Je promets de ne jamais vous laisser! Vous allez chez vos parents, je me rends à la municipalité, tout cela n'est que temporaire. Je reviendrai vite vous chercher. Je jure au ciel de ne jamais vous trahir!'
La jeune mariée lui dit: "Votre affection me touche beaucoup. Puisque vous parlez ainsi, je souhaite vous retrouver bientôt. Si mon mari est une grande pierre, je suis faite de roseau。Le roseau est aussi tendre et tenace qu'un fil de soie., et la pierre est inébranlable. Toutefois, chez moi j'ai un père et un frère qui sont d'un caractère de tonnerre. Je crains qu'ils ne respectent pas mes volontés et qu'ils agissent de façon à torturer mon coeur." Tous les deux levèrent la main et firent signe d'adieu. Tous les deux se sentaient déchirés.
4. 纷纭 (fen yun) est une expression soutenue, restée courante aujourd'hui encore, veut dire le désordre, le trouble ou ce qui s'écarte de l'essentiel, souvent causés par des paroles. L'équivalent n'est pas encore trouvé en français. Sa traduction ici est donc insatisfaisante. La typographie indique des tissus flottants et éparpillés comme des nuages.
5. Les jours de fête où les femmes se réunissent pour jeux, décoration et boissons.
Le clair de la lune
Illumine ma chambre.
En peine, sans sommeil,
que la nuit est longue.
Les rideaux du lit
soulevés par une brise,
en pijama et
en pantoufles, je descends.
Va-et-vient dehors,
en désarroi je rôde.
Au printemps tous partis,
seul un oiseau reste.
Ses appels aux autres,
touchent mes entrailles.
Devant la vie du monde,
Des larmes mouillent ma robe.
Debout je chante haut,
que le ciel m'entende.
Fleurs violettes
longues feuilles au vent
Cueillir des quenouilles avec lui
En bateau aux cinq lacs
Départ matinal du quai Guilan
Repos le soir proche des mûriers
Cueillir des quenouilles avec lui
Moins d'une poignée en un jour
Chang An sous la pleine lune
Partout le son du lavage
En vain souffle le vent d'automne
Toutes pensées volées vers Yu Guan.
Quand finira la guerre?
Quand reviendront les êtres chers?
1, La région Wu était un royaume, connu pour la soie, avant l'unification sous la dynastie Qin deux siècles avant l'ère commune. Elle se trouve dans la Delta Chang Jiang, aujourd'hui la partie sud de la province Jiang Su plus la métropole de Shanghai.
Cette chanson semble être écrite par une femme habitant dans le Nord, et empruntant une forme de chanson originaire du sud.
2, Chang An: capitale dans l'antiquité, aujourd'hui la ville de Xi An.
3, On lavait le linge en le frottant contre une planche
4, Yu Guan, l'une des portes frontalières que passe la longue muraille.
5, La pleine lune du mi-automne est l'occasion des retrouvailles. Une fête légendaire. C'est pourquoi on n'arrive pas à dormir, on se met à faire du ménage tard dans la nuit solitaire.
Les plumes d’un jeune oiseau
ont une couleur magnifique.
Pour se nourrir il s’aventure
dans le champ du riz et du sorgo.
Cette gourmandise inquiète le vieil oiseau,
mais son avertissement n’est pas écouté.
En apprenant que le jeune oiseau a été
capturé par des humains,
le vieil oiseau arrive,
mais il lui manque la capacité du cygne doré,
l’oiseau céleste qui peut s’envoler
aussi loin que mille lieux.
Le père et la mère du jeune oiseau
sont ensemble venus au secours,
mais le jeune oiseau se trouve déjà dans une voiture,
les chevaux se mettent déjà à courir.
Sur le chemin vers la maison du chasseur,
le vieil oiseau poursuit
encore longuement cette voiture.
Celui qui occupe ma pensée
Habite au sud de la mer
Que pourrais-je bien t’offrir ?
Voici une épingle à deux perles pour les cheveux.
On dit qu’il aime une autre
Triste j’ai cassé ce bijou.
Détruit, au feu, le vent en emporte les cendres.
Dorénavant, plus de souvenir,
Plus d’attachement.
Autrefois, quand on se voit,
Les coqs criaient, les chiens hurlaient,
Mon frère et ma belle-sœur en savaient sans doute, hélas.
Maintenant les oiseaux seuls chantent dans le vent d’automne
Je saurai que faire quand le soleil se lève.
Il y a des batailles
Au sud de la ville
Tout comme au nord.
Les morts aux champs sauvages, non encevelis,
Attirent les oiseaux.
Oh corbeaux
Avant de manger le corps des soldats
S’il vous plait accordez quelques
Chants de lamentation.
Quand personne ne vienne nous enterer
Comment nous échapper à votre gourmandise?
La rivière propre et transparente s’écoule toujours
Les roseaux sontt denses et d’une verdure éclatante.
Les chevaux courageux ont combattu jusqu’à la fin
Seuls les cris des chevaux sans qualité
Résonnent encore dans les champs
Les barricades sont construites sur le pont
Alors des deux côtés de la rivière
Comment les habitants vont-ils circuler?
Quand il n’y aura plus personne pour récolter des grains
Que mangeraient les maîtres?
Et c’est quoi un vrai bon citoyen?
Pensée à ces fidèles soldats
Vraiment regrettable de les perdre
En guerre ils sont partis à l’aube
Le soir ils ne sont plus de ce monde!
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